Afin d’apporter des premiers éléments de réponse à cette question, le Parc du Pilat et Fibois 42 ont mobilisé 24 étudiants en 3ème année d’ingénieur à l’école forestière de Nancy (AgroParisTech) en janvier 2025.
Leur travail visait à
- dresser un état des lieux de la sylviculture et de la filière feuillue dans le Pilat par l’intermédiaire d’entretiens d’acteurs du territoire,
- valoriser des initiatives et actions déjà en cours ou balbutiantes,
- proposer des pistes d’actions complémentaires qui pourraient être menées sur le Pilat.
Pourquoi s’intéresser à la sylviculture et à la filière feuillue ?
Les feuillus présentent :
- Globalement des caractéristiques physiologiques qui les rendent plus résistants à la sécheresse et aux hautes températures.
En témoigne leur présence en plaine alors que les résineux sont plutôt présents dans les espaces montagneux. Ce qui peut être vu comme un avantage au regard du contexte climatique actuel. - Une capacité de résistance aux incendies supérieure à celle des résineux.
- Une potentielle opportunité de développement de nouvelles filières de transformation sur ou à proximité du Pilat.
Aujourd’hui une très faible part de l’approvisionnement en bois des menuiseries provient de la Loire, mais des réflexions sont en cours pour améliorer ce ratio, notamment au travers du projet « Approvisionnement en bois local par les menuisiers » porté par Fibois 42. - Une capacité d’accueil de la biodiversité plus importante et complémentaire des résineux.
- Une facilité de lecture des saisonnalités.
Il a également été démontré scientifiquement que le mélange d’essences sur une même parcelle en accroît la résilience climatique (voir notamment les dernières publications de Xavier Morin ou les travaux de Hervé Jactel) : le mélange d’essences constitue la stratégie qui présente le moins de risque en offrant une robustesse aussi bien forestière qu’économique.
Cette liste d’avantages pourrait suffire à valider l’idée de faire une place plus importante au feuillu dans les forêts résineuses, mais encore faut-il parvenir à produire des bois feuillus de qualité sur le territoire !
Le bois de feux comme unique débouché aux feuillus du Pilat ?
Les stations de montagne ne constituent pas des terrains optimums pour les feuillus. Aussi, il ne peut être attendu une qualité de bois équivalente à celle des stations de plaine.
Toutefois, la mise en place d’une sylviculture adaptée peut permettre d’améliorer significativement la qualité des bois feuillus et de les valoriser autrement qu’en bois de chauffage. Des destinations en bois de palette, coffrage, charpente, ou menuiserie peuvent être envisagées par la réalisation de soins culturaux* à des moments charnières, qui ont notamment pour conséquence de limiter la formation de bois de tension** craint des scieurs et bûcherons, et qui aboutissent à une tout autre valorisation économique, bien plus intéressante pour le propriétaire (ainsi que pour le climat : carbone stocké dans les produits bois).
* Également appelés travaux sylvicoles et réalisés au profit d’arbres objectifs, ils ont vocation à former des billes de pied de valeur et peuvent être résumés sommairement ainsi :
- Taille de formation ;
- Élagage régulier durant la phase de « compression, qualification » si absence d’élagage naturel et réalisation de cassages et/ou annélations des arbres concurrents moins bien conformés ;
- Mise en lumière progressive du houppier pour assurer son « expansion » par la réalisation de détourages lorsque la hauteur cible élaguée est atteinte et que la tige est « qualifiée ».
(Installation, Qualification, Expansion constituent les 3 phases de croissance à connaître et surveiller dans la vie d’un arbre feuillu pour en assurer une sylviculture de qualité)
** Le bois de tension se forme la plupart du temps dans les feuillus au houppier déséquilibré qui produisent du bois en réaction à ce déséquilibre. La libération des tensions par l’abattage ou le sciage peut provoquer des éclatements brutaux et dangereux.
Pourquoi si peu de feuillus aujourd’hui en forêt dite productive du Pilat ?
La culture forestière que nous connaissons aujourd’hui dans le Pilat est double avec :
- D’une part, la culture de la hêtraie-sapinière « historique » a par endroit presque fait disparaître le hêtre au profit du sapin : entre besoin en bois de chauffage et recherche de production de sapins pour une valorisation en charpente ;
- D’autre part une culture assez récente, puisque développée à partir des années 1950 dans l’après-guerre suite à la déprise agricole, selon un modèle qui fait la part belle aux résineux et au schéma plantation / coupe rase, dans la continuité d’un modèle agricole que nous pourrions appeler « Agriculture du bois ». Ce sont 23 % des forêts du Pilat qui sont issues de ces plantations résineuses majoritairement monospécifiques. Les propriétaires manquant de connaissances sylvicoles sont à la recherche d’une simplicité de gestion : on plante, on récolte.
Pour les propriétaires qui ne disposent pas de document de gestion de leur forêt, la récolte se fait généralement par à-coup, selon les besoins financiers des propriétaires, et non selon les besoins sylvicoles.
Au gré des successions, la propriété forestière, déjà morcelée, poursuit sa fragmentation et voit ses propriétaires s’éloigner de plus en plus de la forêt – tant sur le plan géographique que technique. Ceci engendre des problématiques de gestion supplémentaires que ne suffisent pas à résoudre les gestionnaires et experts forestiers mandatés par les propriétaires des plus grandes propriétés forestières.
Comment produire et valoriser plus de feuillus sur le Pilat ?
L’enquête menée par les étudiants montre un intérêt des acteurs locaux à la valorisation de bois feuillus. Résultats qui restent toutefois à pondérer par le biais statistique possible des répondants. Malgré la recherche de diversité des 69 acteurs rencontrés, les répondants ne sont pas forcément représentatifs de l’ensemble des propriétaires du Pilat.
Pour que cette production et sa valorisation se réalisent, 2 freins majeurs seraient à lever :
- Le manque de connaissances en matière de sylviculture du feuillu, tant par les propriétaires que par les gestionnaires et exploitants, constitue le frein le plus important à la production de bois de qualité et in fine au développement d’une filière locale ;
- Ce développement des connaissances serait à accompagner d’une adaptation des scieries via la réalisation d’investissements significatifs. Il nécessiterait une structuration progressive et globale de la filière qui implique, par ailleurs, une volonté et des engagements politiques territoriaux forts.
Le travail mené par les étudiants d’AgroParisTech représente une première base de réflexion, qui doit permettre d’amorcer des discussions de territoire, notamment au travers de la mise en place de la prochaine Charte Forestière de Territoire, afin de savoir si le développement d’une sylviculture et d’une filière feuillue est pertinent à soutenir.
Pour connaître le détail de l’étude, consulter le rapport des étudiants situé à droite.